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« Femen » dans une église : caractérisation de l’exhibition sexuelle et recevabilité de la constitution de partie civile d’un curé

Pénal - Droit pénal spécial, Procédure pénale
17/01/2019
Le 9 janvier 2019, la Cour de cassation s'est prononcée sur la caractérisation de l’exhibition sexuelle et sur la recevabilité de la constitution de partie civile d’un curé dans le cas d'une activiste « Femen » qui s'était dénudé la poitrine dans une église.

Le fait pour une femme de dénuder volontairement sa poitrine dans une église qu’elle savait accessible aux regards du public, peu important les mobiles ayant, selon elle, inspiré son action, caractérise le délit d’exhibition sexuelle.

Le ministre du culte affectataire d’un édifice religieux au sens de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907, investi du pouvoir d’en organiser le fonctionnement, est recevable en cette qualité à réclamer réparation du dommage directement causé par les infractions y étant commises, qui en troublent l’ordre et le caractère propre.

Telles sont les solutions énoncées par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 janvier 2019 (v. aussi, un an auparavant : Cass. crim., 10 janv. 2018, n° 17-80.816, D, et lire Actualités du droit, 25 janv. 2018, « Activiste "Femen" et exhibition sexuelle : caractérisation de l'élément moral de l'infraction »).

Liberté d'expression et liberté religieuse

Dans cette affaire, une jeune femme se réclamant de la contestation, par le mouvement Femen, de la doctrine de l’Église catholique, a pénétré dans l’église de la Madeleine et y a dénudé sa poitrine sur laquelle étaient inscrits les mots « 344ème salope », avant de procéder, sur l’autel, à un simulacre d’avortement, à l’aide de morceaux d’abats, censés représenter le fœtus de Jésus. Poursuivie pour exhibition sexuelle, elle a interjeté appel du jugement la déclarant coupable de ce délit. La condamnation est confirmée en cause d’appel, jugement également confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile du curé de la paroisse.

Un pourvoi est formé par l’activiste, soutenant que l’élément moral du délit d’exhibition sexuelle faisait défaut et qu’elle aurait commis une erreur de droit.

La Haute juridiction, énonçant la solution susvisée, et conformément à sa jurisprudence, rejette le pourvoi de la jeune activiste, confirmant à son tour sa condamnation. Sur la question de l’erreur de droit, elle retient que la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre au moyen de défense pris de l’erreur de droit prétendument causée par une réponse ministérielle dépourvue de valeur normative, et dont la décision n’a pas apporté une atteinte excessive à la liberté d’expression de l’intéressée, laquelle doit se concilier avec le droit pour autrui, reconnu par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, de ne pas être troublé dans la pratique de sa religion, a justifié sa décision.

Par June Perot

Source : Actualités du droit