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Sortie de crise sanitaire

Transport - Route, Informations professionnelles
16/06/2020
Alors que le coût de l’heure travaillée par un conducteur routier mis en activité partielle explose depuis le 1er juin, l’État et l’Union européenne ont mis en place plusieurs mécanismes propres à alléger la charge administrative, voire financière, pesant sur les entreprises de transport routier. Reste à savoir si cela suffira pour aménager un déconfinement erratique.
Amère « reprise » d’activité pour les professionnels de la route, en ce début de juin : les transporteurs de voyageurs misent sur un redémarrage d’activité à l’automne, voire au printemps 2021, et s’estiment être les grands oubliés du plan de soutien au secteur touristique. Les transporteurs « Marchandises », quant à eux, n’affichent pas non plus un optimisme débordant. Les premiers ont d’ailleurs défilé avec des véhicules, mardi dernier dans Paris, réclamant des précisions sur les 50 M€ d’aide que le gouvernement a promis de leur allouer et craignent notamment que les entreprises à activités mixtes – marchandises/voyageurs – ne soient pas bénéficiaires du soutien financier promis. Les seconds, dont les conducteurs ont été promus au rang de héros pendant la crise sanitaire, peinent globalement à reprendre une activité rémunératrice et demandent à continuer à bénéficier du dispositif de chômage partiel.

500 km pour 300 € !
Pour ceux qui ont continué à rouler ou qui ont repris quelques liaisons, le nombre de kilomètres à vide a explosé (+21 % par rapport à la moyenne habituelle, soit un prix/km en augmentation de 15,3 %), selon la dernière enquête FNTR diffusée le 25 mai 2020. Les coûts liés à la gestion de la crise (équipements en masques, gel hydroalcoolique, etc.) génèreraient une augmentation des charges de l’entreprise de 7,2 % (estimation que n’a pas encore validé le Comité national routier). S’ajoutent à ces surcoûts une perte de productivité liée à l’allongement des temps d’attente et une surcapacité d’offre qui a, elle, un impact fort sur les prix de transport. Selon la fédération, 30 % des entreprises interrogées auraient subi des pressions de leurs chargeurs pour baisser leurs prix et il suffit de jeter un œil sur le contenu des différentes bourses de fret – même celles exploitées par la profession ! – pour constater que certains osent tout : le 25 mai, un trajet de 535 km à réaliser en fourgon ou en tautliner était proposé à… 300 € ! Dans ce contexte, c’est la réduction d’effectifs qui guette. D’autant que même indemnisée, l’activité partielle encore en place dans bon nombre d’entreprises de transport, dans l’attente d’un redémarrage, s’avère de plus en plus coûteuse.

Selon la dernière étude du CNR portant sur ce sujet (5 juin 2020, après celle du 22 mai 2020, voir BTL 2020, n° 3787, p. 328, Lamyline), « la fin de la prise par l’État à 100 % de l’indemnité d’activité partielle à compter du 1er juin se traduit par une inflation importante du coût du personnel de conduite (salaire + cotisations employeurs), rapporté à l’heure travaillée. Le maintien de quelques contributions employeurs complémentaires sur l’indemnité d’activité partielle est un facteur supplémentaire de surcoût. L’inflation horaire grandit à mesure que le nombre d’heures chômées augmente ». Et d’estimer le surcoût horaire entre +2,6 % et 27,8 % selon la taille de l’entreprise et son activité.

Prenons l’exemple d’un grand routier employé dans une entreprise de moins de 50 salariés, qui ne travaille que 50 % par rapport à la normale : avec la baisse du soutien de l’État, le coût de son heure travaillée augmente de 8,3 % (cette hausse n’était que de 1,6 % avant la baisse de l’allocation de l’Etat) en comparaison d’un mois standard de pleine activité. Un routier courte distance employé par le même type d’entreprise dans la même proportion d’heures travaillées verra son heure de travail augmenter de 7,9 % (contre +1,6 % auparavant). L’heure d’un routier employé par un messager à mi-temps actuellement est renchérie de 9,3 %, alors qu’elle n’augmentait que de 1,1 % sur la précédente période.

Bien évidemment, la situation empire dans le cas où l’employeur a maintenu la rémunération nette de ses conducteurs ; dans ce cas, alors qu’en mai le surcoût horaire d’un mois d’activité partielle représentait entre +3,3 % et +36,5 % par rapport à un mois standard de pleine activité, le voici compris entre +5,3 % et +60,9 % en juin !
Pour résumer, tant que l’activité ne repart pas réellement, les transporteurs ont tout intérêt à maintenir une partie de leurs effectifs en activité partielle, mais le coût de cette dernière augmente sérieusement pour eux. Pendant ce temps, l’État et la Commission européenne n’ont pas chômé pour alléger ou aménager les obligations administratives qui pèsent sur les professionnels de la route mais qui peuvent devenir très handicapantes dans la période actuelle. Le tableau ci-joint dresse un panorama non exhaustif des mesures mises en place à l’échelon national ou européen.
 
Passage au trimestre du remboursement partiel de la TICPE : mais encore ?
Les fédérations professionnelles ont obtenu du gouvernement l’accélération du remboursement partiel de TICPE qui leur est accordé, ce dernier passant à un rythme trimestriel après avoir été semestriel depuis sa création. Or, la mesure, qui fait l’objet de deux circulaires du 3 juin 2020 (NOR : CPAD2010903C, BO Douanes n° 7362, NOR : CPAD2011183C, BO Douanes n° 7363), n’apporte pas grand-chose dans la période actuelle au vu du calendrier choisi par l’Administration : mettre en place un tel mécanisme en juin tout en sachant que les transporteurs préparent d’habitude depuis le début de l’année leur liasse de justificatifs pour déclarer en juillet relève du coup d’épée dans l’eau. Tout au plus soutiendra-t-il les entreprises à compter du troisième trimestre de l’année ! Pour les consommations effectuées au titre du troisième trimestre (1er juillet au 30 septembre) de l’année 2020, les demandes pourront être déposées à compter du 1er octobre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022 grâce aux nouveaux formulaires Cerfa mis en ligne pour, d’une part les transporteurs routiers établis en France, d’autre part, les transporteurs étrangers achetant du carburant dans l’Hexagone.
Source : Actualités du droit