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Airbnb face à la CJUE : l’avocat général a présenté ses conclusions

Civil - Immobilier
05/04/2020
Le régime français d’autorisation de meublés touristiques est compatible avec le droit européen mais il doit respecter les conditions de proportionnalité et de non‑discrimination, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait été saisie par renvoi préjudiciel de la Cour de cassation le 15 novembre 2018 (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n° 17-26.156) afin de se prononcer sur la compatibilité de la réglementation nationale prévue par l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation à la directive européenne 2006/123/CE du 12 décembre 2016 régissant la libre circulation des services.

Selon l’article L. 631-7 précité, dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1 du même code, soumis à autorisation préalable. Par ailleurs, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de ce texte.

La CJUE doit répondre à plusieurs questions :
1°/ La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à la définition de son objet et de son champ d'application par ses articles 1 et 2, s'applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d'un local meublé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ?

2°/ en cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, constitue-t-elle un régime d'autorisation de l'activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 ?

Dans l'hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :

3°/ L'article 9 sous b) de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l'objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d'un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ?

4°/ Dans l'affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?

5°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la directive s'oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation "de manière répétée", pour de "courtes durées", à une "clientèle de passage qui n'y élit pas domicile" ?

6°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s'oppose-t-il à un régime d'autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l'autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ?

L’avocat général a rendu ses conclusions le 2 avril 2020.

Ainsi, selon lui :
- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, est applicable à des dispositions nationales et municipales encadrant l’accès à un service qui consiste à louer, en contrepartie du paiement d’un prix, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, un local à usage d’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile ;
- si ces dispositions nationales et municipales définissent une procédure visant à obtenir une décision autorisant l’accès à la fourniture de tels services, elles constituent un régime d’autorisation au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 ;
- l’article 9, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens que l’objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location, de manière répétée, d’un local destiné à l’habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ;
- la directive 2006/123 doit être interprétée en ce sens qu’elle autorise des dispositions nationales et municipales qui soumettent à autorisation le fait de louer, de manière répétée, un local meublé destiné à l’habitation, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, à condition qu’elles respectent les exigences prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123, notamment les conditions de proportionnalité et de non‑discrimination, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

La Cour doit encore se prononcer et rappelons que les juges ne sont pas liés par les conclusions de l’avocat général.
Source : Actualités du droit