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« Brèves douanières » au 10 novembre 2022

Transport - Douane
10/11/2022
Des jurisprudences et un texte douanier « en bref » non traités par ailleurs « dans ces colonnes » sur la dernière quinzaine.
Commissionnaire en douane/représentant en douane enregistré : remboursement des droits et taxes éludés
 
Sur le fondement de l’article 1999 du Code civil, qui dispose que le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais exposés pour l'exécution du mandat, un importateur est condamné, en raison des fausses déclarations de valeur commises à l'aide de fausses factures qu’il a établies pour des marchandises importées sous couverts de déclarations en douane, à rembourser à un opérateur (a priori un commissionnaire/représentant en douane) le montant des droits et taxes éludés acquitté par ce dernier à la Douane. Pour échapper au remboursement, l’importateur ne peut pas invoquer une faute de cet opérateur : aucune faute de ce dernier ne peut résulter des propres agissements frauduleux de l’importateur « qui a seul manœuvré pour tromper les douanes et en tirer bénéfice » (CA Papeete, 27 oct. 2022, nº 21/00363, X c/ Sarl Transit Express). 
 
Sur ce sujet, voir n° 248 Avances faites par le commissionnaire en douane/RDE dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Dette douanière à l’importation (ex-CDC, art. 202) : introduction irrégulière et infraction douanière
 
Le 1 de l’article 202 de l’ex-Code des douanes communautaire disposait que « Fait naître une dette douanière à l'importation :
a) l'introduction irrégulière dans le territoire douanier de la Communauté d'une marchandise passible de droits à l'importation
ou
b) s'agissant d'une telle marchandise se trouvant dans une zone franche ou en entrepôt franc, son introduction irrégulière dans une autre partie de ce territoire.
Au sens du présent article, on entend par introduction irrégulière, toute introduction en violation des articles 38 à 41 et article 177 deuxième tiret. »
 
Concrètement, l’article visait toute introduction en violation des dispositions relatives d'abord à la conduite sans délai, soit au bureau de douane désigné, soit dans une zone franche, et ensuite à l'arrivée des marchandises au bureau de douane, à leur « présentation », c'est-à-dire à la communication aux autorités douanières, dans les formes requises, du fait de l'arrivée des marchandises à ce bureau ou en tout autre lieu désigné ou agréé.
 
Toutefois, pour le juge, « Il est de jurisprudence constante que, dès lors que l'opération d'importation en cause est constitutive d'une infraction douanière, l'introduction de la marchandise concernée est réputée irrégulière. L'introduction irrégulière ne se réduit ainsi pas à la seule absence de présentation en douane » (CA Chambéry, 27 oct. 2022, nº 16/02524, BP De Lange BV c/ Le Directeur Régional des douanes et des droits indirects du Léman). 
 
Sur ce sujet, voir n° 1381 Dette douanière à l'importation – Cas d'inobservation des obligations ou des conditions dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Opposabilité d’un RTC : renseignement invoqué par la Douane
 
Pour le classement de la marchandise d’un opérateur, la Douane française « complète son raisonnement par la production de plusieurs Renseignements Tarifaires Contraignants (RTC) » et présente notamment un RTC qu’elle a délivré à un autre opérateur. Pour le juge, qui applique là à la Douane la solution qu’il retient pour les opérateurs invoquant à titre de preuve des RTC d’autres opérateurs, les RTC « délivrés par les autorités nationales douanières dans l'Union européenne à la demande des opérateurs économiques ne sont pas opposables à un autre opérateur que le titulaire mais peuvent être invoqués par un tiers pour conforter sa position ». Par ailleurs, la Douane française présentait aussi des RTC délivrés par l'Espagne et la Pologne, mais, toujours pour le juge, ceux-ci « n'ont pas été traduits avant leur production aux débats et doivent, en application du principe du contradictoire, en être écartés » (CA Rouen, 20 oct. 2022, nº 21/01684, Sté Leda c/ Administration des douanes et droits indirects). 
 
Sur ce sujet, voir n° 330-67 Tiers invoquant un RTC lors de la contestation par la Douane du classement dans sa déclaration + dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Règle n° 3 a) de la NC : exemple
 
Selon la règle 3 a) servant à l’interprétation de la nomenclature combinée (NC), la position la plus spécifique a priorité sur les positions de portée générale et, à défaut d’une position plus spécifique qu’une autre, il faut recourir à l'application de la règle 3 b) selon laquelle les marchandises sont classées suivant le caractère essentiel. Illustration par le juge français avec les positions 7020 ou 7610 qui « sont au même niveau de classement de sorte qu'elles sont également spécifiques et qu'il faut recourir à l'application de la règle 3 b) (...) » (CA Rouen, 20 oct. 2022, nº 21/01684, Leda, c/ Administration des douanes et droits indirects). 
 
Sur ce sujet, voir n° 320-24 Commentaire de la règle no 3 a) dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Notes explicatives de la nomenclature combinée (NENC) : un ajout
 
Les NENC sont enrichies par l’insertion d’une note explicative de la sous-position 8479 89 70, pour les « Machines automatiques de placement de composants électroniques utilisées exclusivement ou principalement pour la fabrication d’assemblages de circuits imprimés » (JOUE 31 oct. 2022, n° C 417, p. 14). 
 
Sur ce sujet, voir n° 330-14 Notes explicatives de la nomenclature combinée (NENC) dans Le Lamy Guide des procédures douanières. 
 
Valeur des NESH/NENC : rappel constant
 
Jugé que « selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne », « dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la nomenclature combinée et des notes de section ou de chapitre, éclairées par les notes explicatives élaborées, en ce qui concerne la nomenclature combinée, par la Commission européenne et, en ce qui concerne le système harmonisé, par l'Organisation mondiale des douanes, qui contribuent de façon importante à l'interprétation de la portée des différentes positions tarifaires sans avoir toutefois force obligatoire de droit » (CA Rouen, 20 oct. 2022, nº 21/01684, Leda, c/ Administration des douanes et droits indirects).
Jugé encore que les NENC « fournissent, en tant qu'instruments importants aux fins d'assurer une application uniforme du Tarif Douanier Commun, des éléments valables pour son interprétation », mais « n'ont pas de valeur contraignante » (CA Rouen, 20 oct. 2022, nº 21/00600, Direction régionale des douanes et droits indirects au Havre c/ Sufilog). 
 
Sur ce sujet, voir n° 330-6 Valeur des NESH et voir n° 330-16 Valeur des NENC dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Avis de mise en recouvrement (AMR) : respect des droits de la défense et défaut de mention d’un élément de droit
 
En 2021, rappelant sa définition du respect des droits de la défense, et en particulier qu'un opérateur doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue « quant aux éléments de droit et de fait » sur lesquels la Douane entend fonder sa décision, la Cour de cassation déclare irrégulière une procédure ayant mené à un AMR, au motif que cette administration « n'avait pas communiqué, au moment de la phase contradictoire de la procédure, l'intégralité des fondements légaux du redressement » : en l'espèce, pour faire d'un commissionnaire en douane le principal obligé et lui réclamer l'intégralité des droits et taxes, la Douane s'est fondée sur l'arrêté relatif à la soumission générale cautionnée qui n'est mentionné ni dans les PV, ni dans l'avis de fin d'enquête, ni dans l'AMR (Cass. com., 10 févr. 2021, n° 18-24.433).  Sur renvoi, la cour d’appel de Paris adopte cette solution à l’identique (CA Paris, 20 oct. 2022, nº 21/04648, Le Ministre de l’économie et des finances c/ Société Mathez Transport).
 
Sur ce sujet, voir n° 1020-12 Préalable à l'AMR douanier – Communication de pièces et respect des droits de la défense et du contradictoire dans Le Lamy Guide des procédures douanières, et voir n° 1572 AMR — Principe du respect des droits de la défense dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Dépens – Frais de justice : article 700 et article 367
 
Si l’article 367 du Code des douanes (remplacé par l'article 364 avec un contenu identique au 1er janvier 2020) dispose qu'en première instance et en appel l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice, jugé à nouveau qu’il « ne contient aucune dérogation aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile » (ce qui implique que le juge peut condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens) : en application de ce dernier texte, le juge peut donc allouer une indemnité à un opérateur qui a été conduit « à constituer avocat » pour assurer la défense de ses intérêts ici en appel et a notifié des conclusions en vue de la confirmation d’un jugement (CA Paris, 24 oct. 2022, nº 21/02504, La société anonyme de la Raffinerie des Antilles (Sara) c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)). 
 
Sur ce sujet, voir n° 1015-94 Dépens – Frais de justice dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Accises : invoquer le CDC/CDU (non)
 
À propos d’un vol de marchandises soumises à accises sous entrepôt, jugé que l’entrepositaire pour échapper au paiement ne peut invoquer l’article 203 de l’ex-CDC qui « ne régit que la dette douanière à l'importation et non les droits d'accise » et que « la jurisprudence européenne et nationale rendue au visa de dispositions du code des douanes communautaire n'est pas pertinente en matière de litige strictement relatif à l'exigibilité de droits d'accise » ; il en irait de même pour le CDU (CA Paris, 24 oct. 2022, nº 21/15908, Dutyfly Solutions c/ Monsieur le Directeur régional des douanes de Roissy Fret).
 
Sur ce sujet, voir n° 1379 Dette douanière à l'importation – Soustraction à la surveillance douanière (principes) dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Source : Actualités du droit