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Indemnisation des biens de retour ou quand le contrat de concession n’est pas la seule loi des parties

Public - Droit public des affaires
08/11/2017
Le Conseil d’État est venu clarifier dans sa décision du 25 octobre dernier les conditions spécifiques entourant les modalités d’indemnisation du concessionnaire de la part non amortie des biens de retour en cas de résiliation anticipée d’un contrat conclu entre deux personnes publiques.
 
La concession litigieuse liait le département de la Loire-Atlantique à la commune de Croisic pour l’établissement et l’exploitation par cette dernière d’un port de plaisance sur son territoire, pour une durée de 50 ans. Le département a décidé de résilier la convention à compter du 31 décembre 2010, 10 ans avant son terme. La commune de Croisic n’a été indemnisée qu’à hauteur de 45 367 euros au titre des préjudices subis contre les 1 382 237 d’euros revendiqués. Après condamnation de la collectivité concédante par le tribunal administratif de Nantes au versement d’environ un million d’euros, le jugement s’est vu annulé par la cour administrative d’appel de Nantes.

Saisi du recours en annulation de cet arrêt formé par la commune, le Conseil d’État a commencé par relever que le juge d’appel avait fait application des stipulations du cahier des charges de la concession pour fixer les droits à indemnisation de la requérante. La Haute juridiction rappelle ensuite les principes posés par la décision d’Assemblée Cne de Douai (CE, ass., 21 déc. 2012, n° 342788, v. Le Lamy Droit public des affaires 2017, n° 4762) selon laquelle « si les parties à un contrat administratif peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le préjudice subi, la fixation des modalités d'indemnisation de la part non amortie des biens de retour dans un contrat de concession obéit, compte tenu de la nature d'un tel préjudice, à des règles spécifiques ». Elle poursuit en indiquant « que lorsqu'une personne publique résilie une concession avant son terme normal, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis ; que lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan ; que, dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat ».

Les juges du Palais-Royal ont enfin précisé « que si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, sous réserve que l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne puisse, en toute hypothèse, excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus, il est exclu qu'une telle dérogation, permettant de ne pas indemniser ou de n'indemniser que partiellement les biens de retour non amortis, puisse être prévue par le contrat lorsque le concessionnaire est une personne publique ». Et d’en inférer que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en s’abstenant de vérifier en l’espèce si les stipulations contractuelles permettaient d’assurer l’indemnisation du concessionnaire dans les conditions de l’arrêt Cne de Douai.
 
Source : Actualités du droit