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Remise pour « situation particulière » : défaillance de la Douane et négligence de l’opérateur

Transport - Douane
19/01/2018
Le juge écarte le retard de la Douane dans sa mission de contrôle et retient la négligence de l’opérateur, professionnel du dédouanement, à s’assurer de l’origine des marchandises auprès de son client, pour lui refuser la remise des droits.
À propos de droits antidumping qui lui sont réclamés lors d’un contrôle a posteriori s’agissant de tubes d’acier importés achetés en Malaisie mais en fait originaires de Chine, un opérateur sollicite de la Douane la remise en se prévalant de l’ex-article 239 du Code des douanes communautaire ; ce dernier permet de demander remboursement ou remise des droits de douane dans l’hypothèse d’une « situation particulière ». L’Administration ne faisant pas droit sa demande, l’opérateur saisit le juge.
 
Défaillance de la Douane : retard dans les enquêtes
 
Selon l’opérateur, la « situation particulière » est constituée par un retard de la Douane dans ses enquêtes : il se trouverait en effet dans une « situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité » parce que la Douane, si elle avait commencé son enquête dès le moment où elle a reçu des éléments circonstanciés qui commandaient une investigation d'urgence, aurait stoppé ce trafic avant ses importations, source du recouvrement a posteriori qui lui est demandé. L’Administration estime en revanche que son intervention n’était pas tardive au regard des faits, ce que confirment les magistrats.
 
En effet, pour le juge qui reprend mot à mot l’argumentation de la Douane, il n’y a pas de retard. Les importations ont eu lieu de juin à novembre 2013, mais « il ressort du message "Thor 11467" du 7 mai 2013 de l'Olaf que l'enquête diligentée par ce dernier établit que le contournement des droits antidumping n'était que présumé et non avéré et qu'aucun cas de fraude n'était formellement établi, l'office européen évoquant des "soupçons de transbordement" nécessitant des investigations par les autorités étrangères et les États membres de l'Union européenne » ; de plus, copie encore le juge, le rapport final de l'OLAF qui conclut à la fraude a été reçu en France le 9 avril 2014 et la Douane « qui a débuté son enquête le 18 octobre 2013 et ses premières investigations à partir du 25 octobre 2013 ne peut se voir reprocher d'avoir sciemment laissé se commettre ces opérations frauduleuses » de sorte qu'il serait inéquitable d'imposer à l’opérateur un préjudice qu'il n'aurait pas subi normalement.
 
Négligences/diligences de l’opérateur et mesures antidumping
 
Condition de la remise, l’opérateur doit prouver qu’il n’a pas été négligent et donc démontrer ses diligences. Il soutient que, n'ayant aucun doute sur l'origine malaisienne des marchandises, il n'avait aucune demande particulière à formuler auprès de son client concernant l’origine des produits qu’il dédouanait pour lui.
 
En revanche, pour la Douane, dont le juge reprend là aussi les arguments mot à mot (ou presque), « en tant que professionnel du dédouanement », l’opérateur en représentation indirecte a une parfaite connaissance de la réglementation douanière, ne peut pas ignorer l'existence des mesures antidumping instituées par la Commission européenne sur les tubes et tuyaux originaires de Chine et « devait faire preuve de vigilance et se rapprocher de son client pour lui demander des précisions sur l'origine des produits dédouanés ».
 
Autrement dit, pour se protéger dans ce type de cas et démontrer ses diligences, un opérateur devrait systématiquement prouver qu’il a engagé une démarche pour s’assurer de l’origine des produits auprès de son client… pour chaque mesure antidumping instituée par la Commission européenne concernant les produits dont il a la charge. La solution serait la même pour un importateur qui, dédouanant sans recours à un intermédiaire, devrait s’assurer de l’origine auprès de son fournisseur.
 
Et avec le CDU ?
 
La solution serait la même avec le Code des douanes de l’Union, l’ex-article 239 précité dédié aux « situations particulières » trouvant une correspondance avec l’article 120 du CDU : ce dernier reprend cette notion sous le terme d’équité pour des circonstances particulières.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2 et Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Source : Actualités du droit