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Acte uniforme relatif à la médiation : regards constructif et critique

Afrique - Ohada
30/01/2018
L’OHADA vient de se doter d’un nouvel acte uniforme sur la médiation. Cet acte uniforme vient compléter le dispositif amorcé tendant à déjudiciariser le contentieux relatif au droit des affaires. L’initiative était attendue ; toutefois quelques interrogations interpellent.    
                       
L’Acte uniforme relatif à la médiation (AUM) adopté le 23 novembre 2017 et qui entrera en vigueur le 15 mars 2018 vient à son heure. Hormis la matière pénale, beaucoup d’États parties à l’OHADA ne possédaient pas de dispositifs portant sur la médiation de manière générale. Il est vrai, beaucoup s’étaient réjouis de l’adoption d’un acte uniforme sur l’arbitrage.
 
Toutefois, l’arbitrage demeure une forme de justice, privée certes, qui laisse le pouvoir de décision entre les mains d’une tierce personne, en l’occurrence l’arbitre. L’AUM vient parachever la volonté de l’OHADA de faire du recours à la justice étatique une exception lorsque sont en jeu des contentieux d’affaires. La médiation implique les parties, pour une grande part, dans la résolution de leur différend. Le médiateur ne décide pas à leur place ; il les accompagne dans la prise de décision.
 
Les silences de l’Acte uniforme
Toutefois, quelques interrogations ne peuvent manquer d’interpeler : d’abord l’acte uniforme entend soumettre à la médiation tout différend, quelle que soit sa nature. On comprend par là que la matière contractuelle ou non est indifférente à l’application de la médiation. Néanmoins, il aurait été souhaitable que le texte se prononçât expressément sur les questions qui relèvent de l’ordre public, celles sur lesquelles les parties n’ont pas le droit de négocier. Tel peut être le cas par exemple d’une responsabilité civile délictuelle encourue à l’occasion de relations d’affaires ou des sanctions qui frappent un failli, ou l’auteur de conventions interdites etc.  
 
Ensuite, l’on peut regretter l’absence d’exhaustivité du nouveau texte en ce que beaucoup de questions intéressantes sont laissées de côté. Il s’agit notamment de celles relatives à la récusation et à la responsabilité du médiateur. En l’absence de dispositions particulières sur ces points, les règles de droit commun tiennent lieu de réponses à ces différentes préoccupations. Il aurait été préférable cependant, que tenant compte de la particularité du domaine des affaires, des dispositions y soient consacrées : récusation du médiateur par exemple pour intérêt indirect dans les affaires d’une des parties, responsabilité pour collusion frauduleuse…
 
L’assimilation médiation/conciliation
Par ailleurs, le législateur OHADA, par cet acte uniforme, prend position sur le débat doctrinal au sujet de la distinction entre médiation et conciliation. En effet, si pour une certaine doctrine ces deux procédés sont distincts, il est apparent que l’AUM procède à leur assimilation. On en veut pour preuve la large définition de la « médiation » retenue par le texte qui vise « tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d'un litige, d'un rapport conflictuel ou d'un désaccord (…) ».
 
Pour notre part, il est avéré que médiation et conciliation comportent des différences. Si la première tente d’accompagner les parties dans la recherche d’une solution, parfois inédite, à leur différend, la seconde cherche plutôt à les amener à se rapprocher autant que possible autour de la question qui divise par le biais de concessions réciproques et successives.
 
En tout état de cause, le véritable débat est ailleurs. Le mérite de cet acte uniforme est de venir compléter le panorama des modes de résolution des litiges à côté de la justice étatique et celle privée qu’est l’arbitrage qui l’une et l’autre ont montré leurs limites.
 
Source : Actualités du droit