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Certificat d’urbanisme délivré sur le fondement d’un PLU illégal : quelles conséquences ?

Public - Urbanisme
21/02/2019
L’illégalité d’un certificat d’urbanisme délivré sur le fondement de dispositions d’un plan local d’urbanisme lui-même entaché d’illégalité entraîne la responsabilité de l’autorité administrative l’ayant adopté. Le Conseil d’État, par un arrêt rendu le 18 février 2019, a apporté des précisions quant à la détermination des responsabilités et l’indemnisation en découlant.
Le propriétaire d’un terrain avait obtenu un certificat d’urbanisme justifiant de la constructibilité d’une partie de ce terrain, qui avait ensuite été vendu à deux époux souhaitant y construire une maison d’habitation. Ceux-ci avaient obtenu à cet effet un permis de construire, qui avait ensuite été annulé par le tribunal administratif de Poitiers en raison de son illégalité : le classement partiel de la parcelle dans une zone du plan local d’urbanisme (PLU) autorisant la construction d'un habitat de faible hauteur méconnaissait, en effet, les dispositions du III de l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme (alors en vigueur), entachant ainsi le PLU d’illégalité.

Les époux avaient alors demandé la condamnation de la commune en indemnisation des préjudices résultant, notamment, de la délivrance du certificat d'urbanisme qui mentionnait que la parcelle était partiellement située en zone constructible. La cour administrative d'appel de Bordeaux avait alors jugé que la mention du classement du terrain dans cette zone « entachait d'illégalité le certificat d'urbanisme délivré » et, en conséquence, condamné la commune à verser l’indemnité demandée par les époux, en plus de celle allouée en première instance en raison de l'illégalité du permis de construire.

La commune se pourvoit en cassation contre cet arrêt, demandant au Conseil d’État de déterminer les responsabilités afférentes à l’illégalité du certificat d’urbanisme délivré sur le fondement de dispositions illégales du PLU, ainsi que d’en déduire les indemnisations en découlant. Saisi de cette question, le Conseil apporte des précisions sur plusieurs points relatifs au contentieux des certificats d’urbanisme.

Non-application de la disposition erronée

En premier lieu, le Conseil énonce qu’« il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un réglement illégal », rappelant un principe découlant de l’un de ses avis rendu en 2005 (CE, avis, 9 mai 2005, n° 277280). Reprenant les termes de cet avis, il ajoute, dans une formulation similaire, que « ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du Code de l'urbanisme ». Il en découle qu’il appartenait à l'autorité chargée de délivrer les certificats d'urbanisme d’écarter les dispositions illégales du PLU.

Dans sa décision, la cour administrative d'appel avait déduit du classement partiellement illégal du terrain dans le PLU, l'illégalité du certificat d'urbanisme délivré par le maire, quand bien même celui-ci « avait vocation non à préciser si le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d'une opération particulière mais seulement à indiquer les dispositions d'urbanisme applicables au terrain, ainsi que les limitations administratives au droit de propriété, le régime des taxes et participations d'urbanisme et l'état des équipements publics existants ou prévus ». Le Conseil d’État confirme cette analyse.
 
Quelques précisions
Dans l’avis précité, le Conseil d’État avait affirmé que : « en vertu d'un principe général, (...) il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un réglement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'amélioration ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles sont divisibles, sont entachées d'illégalité. Celles-ci doivent alors être écartées sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols (...). Il appartient toutefois au maire, lorsqu'il estime devoir écarter le plan d'occupation des sols ou le plan local d'urbanisme en vigueur, d'indiquer dans sa décision les illégalités dont le plan lui paraît être entaché ».
Ce principe général a été intégré à la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 (L. n° 2000-321, 12 avr. 2000, JO 13 avr.) relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations par l'article 1er de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 (L. n° 2007-1787, 20 déc. 2007, JO 21 déc.) relative à la simplification du droit. Il est aujourd’hui codifié à l’article L. 243-2 du Code de relations entre le public et l’administration, qui dispose que « l’Administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que cette illégalité ait cessé ».
Pour plus de précisions sur ce point, voir le Lamy droit immobilier 2018 n° 2297.

Responsabilités dans la délivrance du certificat litigieux

En second lieu, le PLU applicable sur le territoire de la commune avait été approuvé par une délibération du conseil communautaire de la communauté d’agglomération à laquelle la commune appartient. Selon le Conseil, cette circonstance « ne faisait pas obstacle à ce que la commune soit reconnue responsable de la faute commise par son maire en délivrant un certificat d'urbanisme comportant la mention du classement illégal d'une parcelle par ce plan ».

Il précise encore que c’est à bon droit que la cour administrative d’appel a jugé que « la faute résultant de la délivrance du certificat d'urbanisme (…) qui mentionnait le classement illégal d'une partie du terrain d'assiette en zone (constructible) était de nature à engager la responsabilité de la commune », alors même qu’elle avait écarté sa responsabilité dans le cas d’espèce, en raison de « l'absence d'élément de nature à établir que la commune aurait commis une faute lors de l'élaboration concertée du plan ».

À noter : le Conseil avait jugé en 2015 « qu'une faute commise dans le cadre de la procédure d'instruction d'une demande d'autorisation d'urbanisme n'est susceptible d'engager, à l'égard du pétitionnaire, que la responsabilité de la personne publique qui délivre ou refuse de délivrer l'autorisation sollicitée, quand bien même la faute entacherait un avis émis par une autre personne au cours de l'instruction de la demande ». Il en avait déduit que le certificat et le permis de construire en cause dans cette affaire ayant été délivrés par le préfet au nom de l’État, l'erreur que le maire avait pu commettre en émettant un avis lors de l'instruction de ces deux documents n’entraînait pas l’engagement de sa responsabilité, mais seulement celle de l’État (CE, 9 nov. 2015, n° 380299).

Indemnisation du préjudice

Cette décision est également l’occasion pour le Conseil d’État d’apporter une précision relative à l’indemnisation du préjudice subi. Il affirme que « le préjudice financier résultant de la baisse de la valeur vénale du terrain des époux A devait être évalué à la différence entre son prix d'acquisition, alors même qu'il était pour une partie seulement classé en zone constructible par le plan local d'urbanisme, et sa valeur comme terrain inconstructible ».
 
Rappel
Pour mémoire, le Conseil avait rappelé en 2010 (CE, 13 déc. 2010, n° 317261) les critères d'indemnisation du préjudice résultant d'un certificat d'urbanisme illégal, à savoir :
– que la seule illégalité ne suffit pas pour accorder une indemnité ;
– qu’il appartient au juge administratif de vérifier que l'intéressé justifiait d'un projet suffisamment constitué de vente ou de construction, démontrant un préjudice actuel et certain.

Dans une affaire similaire au cas présent, avaient été jugés illégaux plusieurs certificats d’urbanisme faisant état de la faisabilité d’un projet immobilier, alors que de nouvelles dispositions avaient réduit la constructibilité du terrain en cause. Le Conseil en avait déduit l’existence d'un lien de causalité direct entre les indications erronées et le préjudice ainsi subi par l'intéressée, cette réduction ayant porté la valeur réelle des terrains en deçà de leur prix d'acquisition (CE, 7 mai 2007, n° 282311).

Enfin, le Conseil d’État avait, en 2014, accueilli une requête tendant à ce qu’une commune soit condamnée à réparer divers préjudices résultant de la délivrance d'un certificat d'urbanisme illégal (CE, 26 févr. 2014, n° 352046). Elle avait jugé dans cette affaire que le requérant était recevable dans sa demande d’indemnisation en compensation, notamment, d’une indemnité contractuelle de remboursement anticipé de l’emprunt contracté pour l’achat de la parcelle, de cotisations acquittées à une association syndicale à laquelle il avait dû adhérer, ou encore de la privation de revenus locatifs escomptés.

Pour plus de précisions sur le contentieux du certificat d’urbanisme, voir Le Lamy Droit immobilier 2018 n° 2321.
Source : Actualités du droit