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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
21/10/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 14 octobre 2019.
Cour d’assises – procès-verbal des débats – suivi socio-judiciaire
« Sur le premier moyen pris de la violation des articles 378 et 593 du Code de procédure pénale ;
Le procès-verbal des débats comporte, à tort, deux pages numérotées huit, relatant le déroulement d’une partie des débats, tenus la journée du 18 juin 2018. La seule différence entre ces deux pages est constituée par la mention, sur l’une seule d’elles, d’une suspension d’audience, entre 11 heures 55 et 14 heures. L’accusé ne peut s’en faire grief, car cette suspension, qui s’intercale logiquement dans le déroulement des débats, est attestée par les signatures du président et du greffier, à la fin du procès-verbal, la Cour de cassation étant ainsi en mesure de s’assurer de la régularité de la procédure suivie et de vérifier qu’il n’a été porté aucune atteinte aux droits de la défense. Le moyen sera donc écarté.
 
Sur le deuxième moyen pris de la violation des articles 131-36-1 et 131-36-4 du
Code pénal ;
Selon l’article 131-36-4 du Code pénal, sauf décision contraire de la juridiction, la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire est soumise à une injonction de soins, s’il est établi qu’elle est susceptible de faire l’objet d’un traitement, après une expertise médicale ordonnée conformément aux dispositions du Code de procédure pénale. M. X critique l’injonction de soins ordonnée contre lui, soutenant qu’il n’est pas établi par expertise médicale qu’il est susceptible de faire l’objet d’un traitement. Cependant, contrairement à ce que soutient le demandeur, la cour d’assises n’était pas tenue par les conclusions du rapport d’expertise médicale figurant au dossier. Le moyen ne peut donc être admis.
 
Sur le troisième moyen pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 130-1 et 132-1 du Code pénal, 362 du Code de procédure pénale ;
M. X a été condamné à la peine de sept ans d’emprisonnement et à celle de cinq ans de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins. Pour justifier ces peines, la cour d’assises a retenu, d’une part, la gravité des faits, s’agissant d’un viol, d’autre part, une personnalité marquée par une absence d’introspection.
Ces motifs exposent les principaux éléments ayant convaincu la cour d’assises dans le choix de la peine, conformément aux exigences énoncées par le Conseil. Le moyen n’est donc pas fondé ».
Cass. Crim., 16 oct. 2019, n°18-84.374, P+B+I *
 
Détention provisoire – motivation spéciale – considérations de droit et de fait
« Pour confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la demande de mise en liberté, l’arrêt attaqué, après avoir relevé les indices graves et concordants rendant plausible son implication dans les faits, retient qu’à la lecture du casier judiciaire de M. X, celui-ci ne répond aux convocations de la justice que lorsqu'il y est contraint et qu’ayant déjà été condamné pour évasion il existe un risque de fuite important de sorte que la détention est l'unique moyen d'assurer la représentation en justice.
Les juges ajoutent que les déclarations de M. X, déjà condamné à de multiples reprises pour des faits de violence, démontrent qu'il est prêt à aller loin par jalousie et sa haine pour la victime, et que les expertises psychiatriques et psychologique concluent à sa dangerosité tant psychiatrique que criminologique et à son incapacité à se contenir pouvant basculer dans la violence à tout moment, la détention étant l’unique moyen d’éviter le renouvellement de l’infraction.
Les juges relèvent encore que la détention est l’unique moyen d’éviter une pression sur les témoins, M. X, bien qu'incarcéré, ayant pris contact avec ceux-ci à plusieurs reprises afin de s'assurer qu'ils allaient donner sa version des faits aux services de police.
Les juges concluent que ces éléments et les révocations passées des sursis avec mise à l'épreuve auxquels le mis en examen a été condamné établissent son absence de compliance aux obligations et interdictions imparties, attitude qui démontre qu'un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence sous surveillance électronique seraient manifestement insuffisants pour atteindre les objectifs susvisés.
 
En l'état de ces énonciations et constatations, la chambre de l'instruction, s'est déterminée par des considérations de droit et de fait, notamment, au regard de l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sur lesquels elle n’a pas à se prononcer par des motifs distincts, et a ainsi répondu aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ».
Cass. Crim., 15 oct. 2019, n°19-84.799, P+B+I *
 
Garde à vue – mineurs – composition de la juridiction – irrégularité audition
« Sur le premier moyen de cassation, relatif à la composition de la juridiction ;
Selon l’article L. 312-6 du Code de l’organisation judiciaire, un magistrat délégué à la protection de l’enfance est désigné au sein de chaque cour d’appel. En cas l’empêchement momentané du titulaire de cette fonction, le premier président lui désigne un remplaçant.
Le texte précité et l’article 23 de l’ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante prévoient que le délégué à la protection de l’enfance siège à la chambre de l’instruction, quand celle-ci connaît d’une affaire dans laquelle un mineur est impliqué, seul ou avec des coauteurs ou complices majeurs.
Pour la Cour de cassation, le respect de cette règle est d’ordre public (Crim., 7 février 2018, no 17-85.353), et elle en contrôle l’observation, en particulier par l’examen des ordonnances fixant la répartition des magistrats dans les chambres et services de la cour d’appel (Crim., 6 octobre 2005, no 05-82.438 ; Crim.,17 avril 2019, no 18-84.722) ».
« Il résulte de ces mentions que la conseillère déléguée à la protection de l’enfance a été régulièrement remplacée à l’audience de la chambre de l’instruction.
Ainsi, le moyen, qui repose sur l’affirmation d’un fait inexact, sera écarté ».
 
Sur le second moyen de cassation, pris de l’irrégularité de la seconde audition d’X en garde à vue ;
Vu l’article 4.IV de l’ordonnance no 45-174 du 2 février 1945, dans sa rédaction applicable à la cause et issue de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
Selon ce texte, dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure pénale. Il doit être immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur n’a pas sollicité l’assistance d’un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux, qui sont alors avisés de ce droit lorsqu’ils sont informés de la garde à vue en application du II du même article. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n’ont pas désigné d’avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l’instruction ou l’officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu’il en commette un d’office.
 
Cette information vise à garantir l’assistance effective du mineur gardé à vue par un avocat, ainsi que le libre choix de l’avocat qui prodiguera cette assistance. Cette information est prévue dans l’intérêt du mineur placé en garde à vue et son absence entraîne la nullité du placement en garde à vue ».
Cass. Crim., 16 oct. 2019, n°19-81.084, P+B+I *
 
Détention provisoire – mineurs – copie actualisée du dossier – mise à disposition du dossier
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les mineurs X et Y ont été mis en examen le 6 juin 2018 pour l’assassinat du mineur Z, victime d’une agression par arme blanche ; que le 16 mai 2019, Y a indiqué qu’elle acceptait que le débat contradictoire, prévu pour l’éventuelle prolongation de sa détention provisoire, ait lieu par voie de visioconférence ; que, par télécopie adressée le 20 mai 2019, son avocat a fait connaître au juge des libertés et de la détention qu’il l’assisterait à la maison d’arrêt ; que dès le début du débat contradictoire, l’avocat de la mineure a fait observer que le dossier de la procédure n’avait pas été mis à sa disposition à la maison d’arrêt et qu’il ne pouvait connaître la teneur des dernières auditions de X effectuées par le juge d’instruction ; que, retenant que l’avocat s’était abstenu de demander le dossier de la procédure, le juge des libertés et de la détention a prolongé par ordonnance du 29 mai 2019 la détention provisoire de Y ; que celle-ci a interjeté appel de cette décision ;
 
Pour répondre à l’exception de nullité du débat contradictoire soulevée par l’avocat de la mineure et pour infirmer l'ordonnance de prolongation de la détention prise par le juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction relève que, d'une part, l’avocat, en l’absence de dépôt du dossier actualisé à la maison d’arrêt, n'avait pas eu connaissance de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention par le juge d'instruction ni des réquisitions écrites du ministère public ni des actes effectués depuis janvier 2019, date de la dernière délivrance d’une copie de la procédure, et qu’il n'était pas en mesure de répondre aux arguments développés par le procureur de la République sur la personnalité de la mineure et les manipulations qu’elle aurait mis en œuvre, d'autre part, l’avocat n'avait pu, faute de connaissance prise des deux interrogatoires au fond intervenus les 6 février et 6 mars 2019, apprécier la persistance des divergences adoptées par les personnes mises en examen, dans leur version des faits au regard d’éléments résultant des investigations téléphoniques entreprises ; que les juges concluent que ce manquement a eu pour conséquence de porter atteinte aux droits à la défense ;
 
En l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine, et dès lors que d’une part, l’avocat, qui avait averti en temps utile le juge des libertés et de la détention de son choix de se trouver auprès de la personne mineure détenue à la maison d’arrêt, n’avait pu obtenir, depuis le 25 janvier 2019, une copie actualisée de l’entier dossier de la procédure, d’autre part, l’intégralité du dossier n’avait pas été mis à sa disposition dans les locaux de détention, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ».
Cass. Crim., 16 oct. 2019, n°19-84.773, P+B+I *
 
Tribunal correctionnel – droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire
« Vu les articles 406 et 512 du Code de procédure pénale ;
En application du premier de ces textes, devant le tribunal correctionnel, le président ou l'un des assesseurs par lui désigné, après avoir constaté son identité et donné connaissance de l'acte qui a saisi le tribunal, informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer le prévenu du droit de se taire lui fait nécessairement grief ; 
 
Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 13 mars 2017, dans le cadre d'une enquête sur commission rogatoire, la gendarmerie a mis en place un dispositif destiné à l'interpellation d'un convoi soupçonné de transporter des produits illicites ; que M. X a été identifié comme le conducteur d'un véhicule Fiat Doblo ; qu’une première tentative d'interception a échoué et que le véhicule a fait des embardées et slalomé sur la chaussée pour empêcher tout dépassement et se soustraire à l'interpellation ; qu'en arrivant au péage de Thillois, M. X a percuté un véhicule, forcé la barrière du péage et poursuivi sa route en direction d'un centre commercial à contresens de circulation ; que les gendarmes ont décidé de le stopper en le percutant ; que le véhicule s'est arrêté et que M. X a été interpellé ; qu'il a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle des chefs de délit de fuite, dégradation ou destruction aggravée du bien d'autrui, refus d'obtempérer aggravé ; que le tribunal correctionnel a déclaré M. X coupable et l’a condamné à dix mois d’emprisonnement; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de la décision ;
 
Il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que M. X, qui a comparu en qualité de prévenu, assisté de son avocat, à l'audience de la cour d'appel du 19 septembre 2018, n'a été informé du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire qu'après que son avocat a soutenu une demande de nullité et que le ministère public a présenté ses réquisitions sur cette demande ;
En statuant ainsi, alors que les débats avaient débuté dès l’examen de cette demande, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ».
Cass. Crim., 16 oct. 2019, n° 18-86.614, P+B+I * 
 
Aménagement de peine – condamné libre – récidive légal – délai
« Vu l’article 723-15 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 ;
Il résulte de ce texte qu’un aménagement de peine ne peut être accordé aux condamnés libres en état de récidive légale que lorsque l’emprisonnement prononcé ou le reliquat de peine à subir est égal ou inférieur à un an ;
 
Il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. X a été condamné le 8 février 2017 par le tribunal correctionnel de Lyon à la peine de dix mois d'emprisonnement pour tentative d'escroquerie en récidive et destruction du bien d'autrui ; que le 24 juin 2014, la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour tentative d'escroquerie et dénonciation mensongère a été révoquée par le tribunal correctionnel de Lyon le 8 février 2017 ; que le 18 janvier 2017, M. X avait été une nouvelle fois condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à la peine de six mois d'emprisonnement dont trois mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans pour violence suivie d'une incapacité temporaire de travail supérieure à 8 jours ; que, compte tenu du crédit de peine qui lui a été octroyé à hauteur de soixante-dix jours et des vingt-huit jours de détention provisoire subis dans le cadre des poursuites exercées des chefs d’escroquerie en récidive et destruction, le reliquat de peine de ces trois condamnations restant à exécuter a été fixé à quinze mois et vingt-deux jours d’emprisonnement ; que par requête en date du 7 mars 2017, l’avocat de M. X, condamné libre, a sollicité un aménagement de peine sous forme d’une libération conditionnelle avec placement sous surveillance électronique ; que le juge de l’application des peines, après débat contradictoire, a déclaré cette demande recevable par application des dispositions des articles 723-7 et 729 du Code de procédure pénale et l’a admis au bénéfice de la libération conditionnelle avec placement sous surveillance électronique; que le ministère public a relevé appel de cette décision ;
 
Pour rejeter l’irrecevabilité de la requête en aménagement de peine, soulevée par le ministère public qui faisait valoir que le condamné libre, en état de récidive, devait accomplir une durée d'emprisonnement supérieure à un an, l’arrêt retient que la procédure de mise à exécution simplifiée des peines, prévue par les dispositions de l'article 723-15 du Code de procédure pénale, n'est pas exclusive de la saisine du juge de l'application des peines aux fins d'octroi d'une mesure d'aménagement prise sur le fondement des dispositions des articles 723-7 et 729 du Code de procédure pénale dès lors que ces dispositions qui s'inscrivent dans le chapitre II relatif à l'exécution des peines ne font aucune distinction entre les condamnés libres ou détenus et n'imposent aucun seuil, si ce n'est celui d'un an s'agissant de la durée maximum de la période de placement sous surveillance électronique ;
En se prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe sus-énoncé ».
Cass. Crim., 16 oct. 2019, n° 18-83.619, P+B+I *
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 21 novembre 2019
 
Source : Actualités du droit