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Le renvoi vers le Maroc de migrants ayant tenté de franchir l’enclave de Melilla ne constitue pas une violation de la CEDH

Public - Droit public général
26/02/2020
En participant à un assaut donné aux clôtures frontalières à Melilla, des ressortissants étrangers se mettent eux-mêmes en danger, se privant ainsi de voies légales existantes pour accéder de manière régulière au territoire espagnol, prévues par le code frontières Schengen.
Un ressortissant malien et un ressortissant ivoirien ayant fui leur pays respectif souhaitaient rejoindre l’Union européenne en passant par le Maroc. Ils se sont retrouvés dans un camp de migrants près de la ville de Melilla, enclave espagnole située sur la côte nord-africaine et entourée par le territoire marocain. Les requérants ont tenté de franchir la clôture extérieure pour entrer à Melilla à la faveur d’un mouvement de foule mais ont été interceptés par les agents de la Guardia Civil qui les ont reconduits en territoire marocain.
 
Les requérants font grief aux autorités espagnoles d’avoir fait l’objet d’une expulsion collective en violation de l’article 4 du Protocole n° 4 de la Convention sans procédure d’identification, assistance juridique ou recours à un interprète. Ils soutiennent également qu’ils ont été privés d’un droit à recours effectif (CEDH, art. 13).
 
La Cour européenne des droits de l’homme note que le droit espagnol proposait plusieurs solutions aux requérants pour entrer régulièrement sur le territoire national : demande de visa, de protection internationale, notamment au poste-frontière mais aussi auprès des représentations consulaires et diplomatiques espagnoles dans leurs pays d’origine respectifs ou dans les pays par lesquels ils avaient transité ou encore au Maroc. Ainsi, la Cour européenne relève que s’agissant du requérant originaire du Mali, un traité spécial a été conclu entre l’Espagne et le Mali offrant la possibilité additionnelle d’obtenir un visa de travail spécial. En outre, depuis le 1er septembre 2014, un bureau d’enregistrement des demandes d’asile ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre a été créé au poste-frontière international de Beni-Enzar. Et la Haute juridiction européenne relève qu’il n’est pas contesté par les requérants qu’avant la mise en place de ce bureau spécial, les demandeurs d’asile avaient la possibilité d’être informés de leurs droits, d’avoir recours à un interprète et à un avocat spécialisé gratuitement. Ils pouvaient ensuite être conduits dans un centre ouvert où leurs besoins de base étaient pris en charge.
 
La Cour européenne des droits de l’homme considère donc que ce sont les requérants qui se sont mis eux-mêmes en danger en participant à l’assaut à Melilla qui leur a permis de passer en force alors qu’il existait des voies légales pour accéder régulièrement au territoire espagnol conformément aux dispositions du code frontières Schengen. Dans ces conditions, elle conclut qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 4 du Protocole n° 4 car : « l’absence de décision individuelle d’éloignement peut être imputée au fait que, à supposer effectivement qu’ils aient voulu faire valoir des droits tirés de la Convention, les requérants n’ont pas utilisé les procédures d’entrée officielles existant à cet effet, et qu’elle est donc la conséquence de leur propre comportement ». Et, pour ces mêmes raisons, la Cour européenne refuse de tenir responsable l’Espagne de l’absence à Melilla d’une voie de recours légale contre la mesure de reconduite à la frontière marocaine. Les requérants n’ont pas utilisé des voies légales existantes et leur tentative d’entrée irrégulière en Espagne les a privés d’une voie de recours individuelle.
 
Source : Actualités du droit