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Un code des marchés publics pour le Vatican

Public - Droit public des affaires
08/06/2020
Marquant une nouvelle étape de la réforme financière engagée après l’affaire des Vatileaks en 2013, le Vatican se dote d’un code, intitulé « Normes sur la transparence, le contrôle et la concurrence des marchés publics du Saint-Siège et de la Cité du Vatican », promulgué, le 1er juin, par un Motu Proprio du Pape François(1).
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris-Dauphine


La nouvelle législation établit des règles valables pour le Saint-Siège et l'État de la Cité du Vatican. Elle vise à instaurer plus de transparence, un contrôle centralisé et plus de concurrence dans les procédures d'attribution des marchés publics. Elle s’inspire fortement de la Convention de Mérida des Nations unies contre la corruption de 2003. 
 
Le code entrera en vigueur 30 jours après sa promulgation. Il contient 98 articles, dont 86 relatifs aux règles applicables à la passation des contrats publics et 12 applicables en cas de contentieux.
 
La création d’un registre des soumissionnaires couplée d’une interdiction de soumissionner liée à une condamnation pénale
 
Est créé un registre sur lequel les soumissionnaires devront obligatoirement s’inscrire avant de candidater à un appel d’offre. Cependant, certaines condamnations pénales font obstacle à cette inscription : il en est ainsi des personnes ayant été condamnées pour participation à une organisation criminelle, corruption, fraude, infraction terroriste, blanchiment d’argent ou encore évasion fiscale.
 
De même, les personnes ayant eu recours au travail des enfants, à de la traite d’être humain ou ayant commis une infraction grave ayant porté atteinte à l’environnement ne pourront s’inscrire sur ce registre et sont donc frappées d’une interdiction de soumissionner. Ces motifs d’exclusion reprennent en réalité les motifs listés par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics(2).

La mise en place d’une commission impartiale chargée d’étudier les réponses aux appels d’offre
 
Le texte prévoit également la mise en place de commissions chargées d’étudier les réponses aux appels d’offre et l’attribution des marchés : ces jurys seront composés d’experts indépendants ainsi que d’employés du Vatican tirés au sort.
 
Dans un souci d’impartialité et pour éviter tout conflit d’intérêts, il est prévu certaines incompatibilités : ainsi, les membres du jury qui auraient un quelconque lien, qu’il soit familial, amical ou professionnel, avec un candidat seraient exclus d’office de ce jury. Le lien avec le candidat sera examiné jusqu’au « 4e degré ». Cette mesure vise à garantir à tout candidat l’égalité de traitement et la non-discrimination, deux principes prônés par la nouvelle législation.
 
La codification de principes fondamentaux de la commande publique
 
Le texte énonce les principes fondamentaux applicables à l’attribution des marchés. Parmi ces principes, on retrouve notamment « l’éthique dans l’orientation des choix économiques et des interlocuteurs sur des paramètres de respect de la Doctrine sociale de l’Église », l’« autonomie administrative et la subsidiarité dans les choix de gestion de l’Administration », « une procédure d'attribution qui doit être transparente, objective et impartiale » ou encore « la diligence du bon père de famille », « principe général et de respect maximal, sur la base duquel tous les administrateurs sont tenus de concevoir leurs fonctions ».
 
On note ici que la notion du « bon père de famille » est un concept de droit romain (bonus Pater familias), qui a longtemps été utilisé en droit français mais qui, jugé désuet et patriarcal, a été supprimé en 2014 de l’ensemble des textes dans lesquels il apparaissait.
 
Les objectifs visés par ce texte sont sans aucun doute la lutte contre la corruption, la promotion d’une meilleure concurrence mais également une meilleure gestion des deniers du Vatican. Les procédures d’attribution visent à ainsi à « conjuguer économie, efficacité et efficience » : c’est dans cette direction que s’était déjà orienté le Pape François en créant, en 2014, un Secrétariat pour l’Économie, chargé des questions économiques et financières du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican.
 
L’État de la Cité du Vatican dispose de son propre droit, le droit vatican, et n’est soumis au droit italien que par exception. Jusque-là, l’État n’était doté d’aucune réglementation concernant les appels d’offre passés pour ses dépenses internes : avec ce nouveau corpus législatif, le Vatican s’inscrit dans l’effort international de lutte contre la corruption. L’adoption de ce code intervient huit ans après les Vatileaks, scandale qui a secoué le Vatican de 2012 à 2015, par la diffusion au grand public de documents internes révélant l’existence d’un vaste réseau de corruption, trafic d’influence et détournement de fonds liés à des contrats signés avec des partenaires souvent choisis par relations familiales ou amicales.
 

(1) Acte correspondant à un décret
(2) Article 57 de la directive

Margaux Ramos-Darmendrail
Source : Actualités du droit