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Après le Brexit, la France ne conclura plus de marchés de défense ou de sécurité avec les entreprises britanniques

Public - Droit public des affaires
09/06/2020
C’est par une réponse ministérielle que le gouvernement a clarifié ce 9 juin 2020 un point délicat : « avec l'entrée effective du Brexit, et sauf à ce que l'accord relatif aux relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni prévoit des dispositions particulières en ce sens, les entreprises britanniques seront exclues de la quasi-totalité des marchés publics français de défense ou de sécurité ».
L'article L. 2353-1 du code de la commande publique consacre le principe de préférence européenne pour les marchés de défense ou de sécurité, selon lequel, sauf cas particuliers, « les marchés de défense ou de sécurité, exclus ou exemptés de l'accord sur les marchés ou d'un autre accord international équivalent auquel l'Union européenne est partie, sont passés avec des opérateurs économiques d'États membres de l'Union européenne ». Il en résulte en toute logique que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aura pour conséquence l’exclusion des entreprises britanniques (qui n’auront plus la qualité de ressortissant de l'Union) dans le choix des cocontractants pour la passation des marchés publics français de défense ou de sécurité.
 
Période transitoire
 
Le député Christophe Blanchet interrogeait toutefois la ministre des Armées sur l'effectivité de ce principe durant la période de transition actuelle. Rappelons en effet que, si le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020 à minuit en vertu d’un accord politique publié au Journal officiel de l’Union européenne de ce même jour, le droit européen reste applicable au Royaume-Uni dans ses relations avec les États membres durant la période transitoire qui a débuté le 31 janvier 2020 et se terminera en principe au 31 décembre 2020 (avec possibilité de reconduction pour un ou deux ans par une décision qui devra être formalisée avant le 1er juillet 2020). C’est durant cette période que les parties doivent négocier les règles qui régiront leurs relations futures, afin d’éviter une situation de « hard Brexit », soit une absence d’accord.
 
Ainsi, les entreprises britanniques peuvent toujours se voir attribuer des marchés publics de défense ou de sécurité soumis à la règle de la préférence européenne durant la période transitoire, et l’exécution de ces contrats pourra donc se poursuivre, selon la durée qui y est prévue, après la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union. L’inquiétude soulevée par le député concernait donc la potentielle incapacité juridique des acheteurs publics à agir à l'encontre de leurs fournisseurs britanniques, et notamment l’impossibilité de former un recours, en cas de litige, devant la Cour de justice de l’Union européenne. Un enjeu, ainsi que le souligne le député, « d'autant plus crucial qu'il est susceptible d'affecter les intérêts de la défense et de la sécurité de l'État et de compromettre le développement de la base industrielle et technologique de défense européenne ».
 
Pas d’inquiétudes pour le gouvernement
 
La réponse de la ministre se veut rassurante : « en vertu de la directive 2009/81/CE qui encadre la procédure de passation des marchés publics de défense et de sécurité (MDPS), le Ministère des armées a fait le choix de restreindre systématiquement ses marchés aux seules entreprises ressortissantes d'un État membre de l'Union européenne ou de l'espace économique européen ». Aussi, « avec l'entrée effective du Brexit, et sauf à ce que l'accord relatif aux relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni prévoit des dispositions particulières en ce sens, les entreprises britanniques seront exclues de la quasi-totalité des marchés publics français de défense ou de sécurité ».
 
S’agissant des marchés en cours d'exécution ou passés préalablement avec des sociétés britanniques, le ministère précise que, bien que ceux-ci continueront de s'exécuter jusqu'à leur terme, « le titulaire du marché demeure tenu de respecter le droit national et européen, même si son siège social n'est plus sous compétence de la cour de justice de l'Union européenne ». La situation n’est ainsi pas si inédite que cela, puisqu’elle est la même que celle actuellement en vigueur avec les opérateurs économiques non-européens.
 
Face à cette situation demeurant tout de même complexe, le gouvernement affirme que « les difficultés générées par la sortie effective des Britanniques seront traitées au cas par cas et avec souplesse, si nécessaire via des avenants », afin d’« éviter toute perturbation du déroulement des opérations d'armement ».
 
Des négociations difficiles
 
Alors que le quatrième round des négociations s’est achevé ce vendredi 5 juin, Michel Barnier, négociateur du Brexit pour l'Union européenne, a pointé une nouvelle fois la responsabilité du Royaume-Uni dans l’absence de compromis sur plusieurs sujets de blocage qui persistent depuis le début des négociations… Ce qui présage un épilogue difficile, et certainement loin d’être imminent, à la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne.
 
Pour aller plus loin
Sur les marchés publics de défense ou de sécurité, voir Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 1724 à 1726.
Sur les marchés publics en période de Brexit, lire également Brexit : et les marchés publics ?, Actualités du droit, 4 mars 2020.
Source : Actualités du droit